La Grande Guerre et Jean Aicard

L’année 2014 va être consacrée à la célébration du centenaire de la Grande Guerre.

Diverses manifestations, expositions, colloques, conférences vont être organisés dans beaucoup de villes et villages. A cette occasion, nous rappellerons tout au long de l’année 2014 combien Jean Aicard a participé activement aux aides apportées aux soldats et à leurs familles. Dès le début de ce conflit Il a écrit de nombreux textes et poésies.

Monument aux morts de Solliès-Ville

Le 3 octobre 1914, Jean Aicard, trop âgé pour combattre annonce ses intentions. Dans un long poème, il déclare vouloir être le témoin des actions engagées et en rendra compte. Il tiendra en effet cette ligne de conduite pendant toute la Grande Guerre.

La Prière Française (fragment)

Janvier :

Jean Aicard n’a jamais cessé de participer activement à soulager ceux qui ont souffert des conséquences malheureuses engendrées par la guerre de 1870 ou la Grande Guerre qui va endeuiller l’Europe.

En 1870 il écrira 3 poèmes : les Blessés, la Guerre, le Pigeon de Venise qui seront publiés à Marseille par le Comité de Toulon rattaché à la Société Internationale de secours aux blessés.

La première édition tirée en 1500 exemplaires sera vite épuisée et le bénéfice perçu par le Comité de Toulon s’élèvera à 400 francs reversés au profit des secours aux blessés.

En 1871 la même Société Internationale publiera toujours à Marseille un long poème intitulé Paris où il rappelle les souffrances et le courage des habitants de la Capitale assiégée. Ce livret de 8 pages a été écrit à Toulon le 27 décembre 1870. Il sera lui aussi vendu au profit des blessés.

Poème : Paris

Février :

Le Docteur Jean Calvet neveu de Monseigneur Calvet, grand ami de Jean Aicard nous a transmis ce souvenir que racontait son oncle :

« Dès le début du conflit, Jean Aicard dont on connait la générosité de cœur, voulut apporter sa contribution à l’effort national.

Son âge ne lui permettant plus d’être mobilisé, il pensa pouvoir apporter une aide paramédicale dans les services infirmiers. Cette proposition lui fut refusée.

Il discuta avec l’Abbé Calvet de cette question qui lui tenait à cœur, à savoir par quel moyen il pourrait être utile. Celui-ci suggéra à l’auteur du Livre des Petits, qui savait si bien s’adresser aux enfants, de rechercher certains  faits d’armes dont la presse rapporterait les détails.  Relatés par lui à destination des enfants des écoles dont un père ou un frère étaient dans les tranchées, ces écrits pourraient contribuer à maintenir le moral des civils et glorifieraient en même temps nos combattants. »

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Déjà à la veille de ce conflit,  alors que l’on sentait les tensions des prémices de la Grande Guerre, Jean Aicard avait écrit à La Garde un recueil de poésie pour l’enseignement morale réservé aux élèves du cours moyen. Les éditions Hatier le publie en 1913 sous le titre le Jardin des Enfants.

Dans sa préface, le poète exprime l’intention de s’adresser aux enfants afin de les aider à « retenir les conseils de la sagesse universelle ». Dans ses vers il définit les grands principes moraux à partir d’exemples simples pour  » lutter contre les mauvais instincts et les suggestions nuisibles ».

Le poète compose des vers mêlant bonté, tendresse et émotion afin de rappeler que chacun doit aimer, protéger, défendre, secourir son entourage, son village et son pays.

Au fil des pages, il rappelle les fondements de la Devise Nationale (livre II), évoque l’héroïsme des femmes de la Croix Rouge (livre IX), compare l’écolier à un Petit Soldat (livre IX) incite l’enfant à aimer son Pays Natal (livre IX) et La France Humaine (livre X).

Mars : La Croix Rouge

Dans son ouvrage le Jardin des Enfants écrit en 1913, Jean Aicard rend hommage aux femmes se dévouant avec courage pour la Croix Rouge et soignant,  parfois  au service de leur vie,  les malades et blessés militaires.

Dans la leçon suivant ce  poème, il est signalé : «  Mme Jacques  Feuillet morte glorieusement au Maroc en 1912 ».

Née en 1864, Marie Huot  a épousé Jacques Feuillet, le fils  d’Octave Feuillet, romancier et dramaturge français,  membre de l’Académie française.

De cette union naîtra deux filles. Malheureusement, Marie a la douleur de perdre son époux puis leurs deux filles. Douloureusement affectée, Marie passe les examens d’ambulancière puis d’infirmière et  se met au service de la Croix Rouge.

Engagée dans la  Campagne du Maroc, elle sera remarquée par ses dons d’organisatrice et de promptitude  à la tête d’une équipe d’infirmières.

Atteinte du typhus, elle décède  en 1912 à Rabat…Son corps sera rapatrié en France par bateau…Ses funérailles seront célébrées à Paris le 16 septembre 1912 en présence du Président Poincaré et de nombreuses personnalités.

La Croix Rouge

 

Avril

Jean Aicard sur le site du centenaire de la Grande Guerre : Jean Aicard

Mai

Poésie : « Les deux blessés »

En 1886, Jean Aicard écrit « Le Livre des Petits » qu’il considère « comme un livre d’éducation, un livre scolaire…qui ne devînt jamais une cause de punition mais au contraire une cause de récompense…La poésie veut avant tout être aimée. Son chemin va du cœur aux cœurs ».

Dans cet ouvrage l’écrivain s’adresse aux enfants en termes simples et précis tout en mettant en évidence les grands sentiments. Son poème « Les deux blessés » a du toucher particulièrement plus d’un écolier et plus d’un maître.

Poésie : les deux blessés

 

Juillet : Jean Aicard, président d’honneur du comité d’organisation de l’hôpital militaire de La Garde

Pendant la guerre de 1914-1918, le nombre considérable de blessés, nécessita l’ouverture d’établissements d’Assistance aux convalescents militaires (A.C.M). Le premier établissement de ce type ouvrit à Bandol, puis d’autres à Toulon, Le Pradet, Carqueiranne, La Valette et dans diverses villes varoises et provençales.

Le 24 octobre 1914, suite à une circulaire, la municipalité de La Garde élabora un projet pour l’organisation d’un hôpital de blessés convalescents et militaires. Il existait sur le territoire de la commune, au quartier Panorama, vers Ginouse, un vaste local de maître avec vingt-deux chambres construit dans une propriété de quatre hectares, plantée en vignes exposées au soleil…Cette propriété remplissait toutes les conditions nécessaires pour le prompt rétablissement des militaires blessés. Jean Aicard fut le président d’honneur du comité d’organisation qui lança un appel à la générosité des citoyens pour aider l’hôpital. Parmi les généreux donateurs, on notait : M. André Charlois, Mme Lonclas, M. Dupuy de Lôme, M. Bourgarel, M. Baissade, Mme Zédé, M. Elluin, M. Boudillon…

le 18 décembre 1915, l’hôpital n°72 des A.C.M de régime recevait ses premiers blessés qui se montrèrent enchantés. Afin de faciliter les sorties des militaires, les Chemins de fer du Sud offraient des promenades gratuites, trois fois par semaine, et la Compagnie des tramways, une carte de parcours gratuit entre La Garde et Toulon…

l’hôpital fut occupé jusqu’en novembre 1918.

Extraits de l’ouvrage Histoire de La Garde par Roger Muréna.

Août : Un chant pour les Cols bleus

Dès le début du conflit, Félix Mayol le célèbre chanteur toulonnais décide de s’associer avec son ami  Jean Aicard, afin de soulager la peine de ceux qui doivent partir et de leur famille privée de soutien. En effet ces deux artistes  trop âgés ne peuvent-être admis à prendre du service. Félix refuse une tournée en Amérique, quitte Paris et rejoint Toulon. Tous deux vont assister au départ de 6000 cols bleus. Ils chanteront un poème de Jean Aicard mis en musique « Les cols bleus » et  déclameront quelques beaux testes encourageants. Des feuilles de chants  imprimées par la veuve du  frère aîné du chanteur aux éditions Mayol seront distribuées à chaque soldat. Les deux artistes se livreront aussi à une séance de dédicaces, souvenirs que les soldats emporteront dans leurs musettes.

 Les Cols Bleus

 

 

 

 

 

 

 

 

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Décembre 1914 : Jean Aicard et les enfants.

 

Bientôt l’hiver arrive. Dans les tranchées, les soldats devront affronter le froid et la boue. Rien n’était  prévu. L’hiver allait être aussi un ennemi nouveau et redoutable.

En octobre, le Ministre de la Guerre adresse aux préfets une circulaire relative au ravitaillement de l’armée en effets d’hiver et de couvertures. Les industries locales  sont ré ouvertes et les femmes et fillettes tricotent activement, chez elles, en groupes dans les locaux des sociétés d’entraide ou à l’école pendant les leçons de travaux manuels. Chaussettes, chandails, couvertures, chemises, semelles pour les chaussures sont envoyés sur le front.

Noël est bientôt là. Quinze jours avant le 25 décembre, un  Comité National de Noël aux Armées est créé. Il décide d’envoyer des vœux et de petits cadeaux aux soldats. Une grande propagande est faite auprès des enfants qui sont sollicités :

« Enfants de France, élèves de toutes nos écoles, de tous nos collèges, de tous nos lycées, nous vous demandons une modeste obole. Si chacun de vous veut bien donner la somme minimum de dix centimes, nous pourrons adresser à chaque régiment de France, pour qu’ils soient remis à chacun des combattants, en cette nuit de Noël, du tabac et du chocolat. »

A la demande du Comité, Jean Aicard écrit un poème d’appel à l’intention des écoliers

 Nos soldats sauveront la France;

Les Germains auront le dessous…

Il faut payer cette espérance!

Combien, chers écoliers? -

 

Deux sous. Mis en gros tas, vos dons minimes

Formeront un riche trésor,

Car beaucoup de fois dix centimes,

Cela fait des millions d’or!

 

La Patrie attend votre offrande

Qui deviendra, sur son autel,

Devant la tranchée allemande,

Un joyeux arbre de Noël.

 

L’arbre vert aura dans ses branches

Des chandelles au vif éclat,

De fines cigarettes blanches

Et des boîtes de chocolat;

 

Et, pour la Noël, nos armées,

Nos soldats déjà triomphants,

Recevront ces choses aimées,

Don sacré de vos cœurs d’enfants.

 

0 cher petit peuple innombrable,

Pour qui le grand peuple se bat,

Donnez, enfance secourable,

Vos deux sous à notre soldat:

 

Il ne fera pas, cette année,

Pour vous, le geste rituel

De mettre dans la cheminée

Le touchant cadeau de Noël.

 

C’est à vous, si gâtés naguère,

D’envoyer à qui vous défend,

A l’homme parti pour la guerre,

Le souvenir de son enfant.

 

Petit peuple, enfance chérie,

Donnez deux sous, bons petits cœurs,

Rien que deux sous, à la Patrie,

A nos soldats déjà vainqueurs.

 

Ils vous devront la grande joie

De revoir en songe, un moment,

Le logis qui les leur envoie

Et qui leur sourit doucement;

 

Et songez, sachant votre Histoire,

Que le cri traditionnel

De la France, aux jours de victoire,

Fut de tout temps: Noël! Noël!

 

Certains enfants se cotisèrent,  d’autres renoncèrent à leurs jouets pour adresser des cadeaux aux combattants. Ce qui fut appelé « Le  Souvenir des Enfants »  fut envoyé aux armées avec un sonnet de Jean Aicard choisi par le comité. Ce sonnet intitulé « Lettre des Enfants de France à tous les Soldats Français » fut lu sur le front, le 25 décembre, à tous les régiments.

 

Lettre des enfants de France à tous les soldats français.

Nous, les enfants, les uns au logis maternel

Les autres à l’école, où l’on est fier d’apprendre

C’est nous qui vous offrons le cadeau rituel,

Frères, pères, qui vous battez pour nous défendre

La France en plein combat, sait garder un cœur tendre

Elle est le chevalier de l’amour éternel ;

C’est ce qu’au dur Germain feront, ce soir, entendre

Sous le feu des canons, vos chansons de Noël.

Nous n’avons pas mis, nous, chers absents, cette année,

Notre petit sabot, devant la cheminée…

Vous souffrez : c’est à nous de vous faire un cadeau.  Noël !

Ce cri d’amour est un cri d’espérance : il faut vaincre !

Le monde a besoin d’une France ;

Soldats ! donnez pour nous un baiser au drapeau

 

Ces poèmes figurent dans l’ouvrage : l’Héroïsme français préfacé par Jean Aicard. Janvier 1915